De nombreux sujets ont été évoqués pendant ces 2 jours : la situation générale de L’Éducation, la syndicalisation, la manifestation des 12-13-14 mai 2023 à Lure pour la défense des services publics.
Cependant nous avons voulu nous centrer sur les 2 points suivants :
- la Conférence d’André Grimaldi (professeur émérite de diabétologie au CHU de la Pitié-Salpêtrière) sur la Sécurité Sociale : un grand moment de virtuosité et de drôlerie,
- la protection sociale complémentaire PSC qui va modifier prochainement la protection sociale de tous fonctionnaires et contractuels du MEN.
Conférence d’André Grimaldi.
En préambule, selon l’OMS, la santé c’est un sentiment de bien-être physique, psychologique et social, donc la santé ce n’est pas que la médecine.
1- Diagnostic
a-Notre système de santé date de 1945 avec la création de la Sécurité Sociale. Il s’agit d’un système mixte, les hôpitaux étant gérés par l’État et la médecine de ville par des conventions entre les médecins et la Sécu (à titre de comparaison le système anglais est étatique, le système américain est assurantiel). Les mutuelles se sont ralliées à la Sécu moyennant l’instauration du ticket modérateur.
Les recettes de la Sécu sont dédiées, elles viennent des cotisations ; la gestion en est confiée aux organisations syndicales.
b- le 1er tournant date des années 70
les dépenses de santé augmentent de 5% par an , la croissance de 3% ; au lieu de mettre en place un système de régulation, le gouvernement décide de réduire les coûts.
Il y a 3 sortes de régulation possibles :
– la régulation éthique : soit le juste soin pour le malade au moindre coût pour la collectivité ; inutilité de certains actes, inefficacité de certains médicaments ; or il n’y a eu aucune régulation et la médecine libérale a gagné. Il aurait été nécessaire d’arrêter la T2A pour les maladies chroniques et établir une gradation des soins.
– la 2e régulation, c’est le marché : les gens doivent payer une partie de leurs soins ; sont institués la franchise et le forfait hospitalier (aujourd’hui 25 euros par jour) ; puis R. Barre crée le secteur 2.
– la 3e régulation consiste à réduire l’offre de soins : alors qu’il fallait revoir le paiement à l’acte et la liberté d’installation, le gouvernement décide le numerus clausus en 1973-74, selon le dogme suivant : l’offre créant la demande, le médecin crée le malade, donc il faut moins de médecins. De 8500 médecins formés, on passe à 3500. Et, jusqu’en 2000, 10 000 médecins sont payés pour partir en retraite ; et maintenant on compte 10 000 médecins recrutés à l’étranger.
Les gouvernements vont utiliser alternativement les régulations 2 et 3 :
Bérégovoy met en place le budget global ; en 1996, Juppé fait voter par le parlement l’objectif national de santé, puis Hollande avec l’ANI, rend la complémentaire santé en entreprise obligatoire.
Ce système mixte qui était notre force est devenu une faiblesse : il ne répond ni aux urgences, ni aux maladies chroniques, ni aux épidémies.
c- Au tournant des années 2000, la médecine devient industrielle ; ce qui est bon pour l’entreprise est bon pour l’hôpital. La concurrence permet d’obtenir la qualité au plus bas coût ; l’État ne doit pas gérer mais veiller à ce que la concurrence ne soit pas faussée. La médecine s’inspire beaucoup de l’aéronautique : certains chirurgiens n’opèrent que la valve mitrale, d’autres que le cancer débutant de la prostate ; or, l’être humain est imprévisible et le summum de la variabilité c’est la maladie chronique (où interfèrent les vécus psychologiques et sociaux) la psychiatrie et la pédopsychiatrie qui a été détruite.
On prétend que la T2A va régler le problème ; le directeur de l’hôpital vient du privé ; or la rentabilité financière ce n’est pas la rentabilité sociale.
La crise de 2008 a entraîné une réduction de la dépense publique : l’État fixe désormais les tarifs des hôpitaux. Être dévoué signifie alors travailler à flux tendus et faire plus avec moins de moyens.
En 2017, pour la 1re fois l’activité hospitalière diminue !
Conclusion : on n’a pas vu le pire ! Pensons à Knock : « un état de bien portant, c’est un état transitoire qui n’annonce rien de bien ».
Aux questions des collègues témoignant de cas de médecins qui refusent certains patients, la réponse de M. Grimaldi est claire : les médecins sont payés par la collectivité ; ils ont des droits et aussi des devoirs et ne peuvent refuser de soigner un patient. Il rappelle aussi le serment d’Hippocrate : ne pas abuser de l’asymétrie entre médecin et patient ; demander des honoraires avec tact et mesure. Les soins doivent être gratuits pour les indigents.
2 Les solutions
Il faut poser la question de la limitation des dépenses de santé
a- les frais de gestion : ceux de la Sécu sont 6,9 Milliards d’euros, ceux des mutuelles 7,6 ; si on compte ceux de l’État cela avoisine 18 milliards (2e coût après les USA) ; il faut créer la Grande Sécu mais les lobbies de gauche et de droite sont montés au créneau.
Le panier de soins doit être décidé en concertation avec les sociétés savantes et les associations de patients. Il faut distinguer les soins de solidarité et les soins personnels genre chirurgie esthétique, cures thermales ... ; l’effet placebo peut aussi avoir des effets pour les patients qui y croient, et l’acuponcture marche mieux si le médecin a les yeux bridés. Mais le meilleur effet placebo c’est la qualité de la relation médecin malade
b- l’industrie de la santé est la plus rentable (après celle de la drogue) : il faut imposer la transparence des coûts tout au long de la chaine et par exemple savoir ce qui vient de la recherche publique. Il faut aussi demander la levée du secret commercial. Nous inspirer des Canadiens qui en 1922 ont découvert l’insuline et ont donné leur brevet à l’Université de Toronto pour un dollar symbolique. Aujourd’hui on manque de médicaments génériqués essentiels qui sont désormais fabriqués en Asie.
Le prix du médicament doit être indexé sur son efficacité : 20 à 30% des prescriptions sont inutiles.
Il faut enseigner la pertinence des soins (et aussi la non prescription). Mais pour cela il faudrait bénéficier des bases de données de la médecine de ville !
c- les urgences : il faut des systèmes intégrés à l’amont et à l’aval ; par exemple, il faut des lits vides en permanence pour accueillir les malades. Quand on reste sur un brancard plusieurs heures voire plusieurs jours, le taux de complication et de mortalité augmente.
d- la psychiatrie et en particulier, la pédopsychiatrie sont exsangues. Il faut qu’elles soient dotées à la mesure de leurs besoins.
e- pénurie de médecins traitants ; urgence d’arrêter l’hémorragie : sur les 80 000 médecins généralistes, 50 000 sont des médecins traitants, les autres sont dans les centres de soins non programmés ou sur des plateformes. 40% des médecins traitants ont plus de 60 ans et 6 000 ont plus de 64 ans ; s’ils partent, 600 000 patients perdent leur médecin traitant.
La médecine moderne se fait en équipe, donc dans des maisons médicales où il y a plusieurs médecins. La crise ne se résoudra pas en envoyant les médecins dans les déserts médicaux où l’école et la Poste n’existent plus. Il faut créer un service public de la médecine de proximité et cela nécessite une autre organisation de la santé.
Dans les quartiers il faut une médecine communautaire avec des médiateurs et des interprètes en 20 langues (exemple de la Seine st Denis).
Pour approfondir la réflexion, 2 ouvrages d’André Grimaldi : Manifeste pour la santé et L’hôpital nous a sauvés : sauvons-le !
Intervention sur la Protection Sociale Complémentaire, PSC, par Gwenaël Le Paih (secrétaire adjoint du SNES) du groupe de travail de la DGRH (FSU).
Cette protection prévue par l’ordonnance de janvier 2021 doit être mise en œuvre au 1er janvier 2025 avec un opérateur unique (assureur ou mutuelle) pour l’ensemble des 3 ministères : Éducation Nationale, Jeunesse et Sports, Enseignement Supérieur Recherche et Innovation.
À cette date chaque agent-e actif-active (fonctionnaire et contractuel-le) devra souscrire obligatoirement le contrat de l’opérateur commun choisi par le Ministère qui financera 50% de la cotisation . Les retraités-es actuels-elles et à venir ne bénéficient pas du co-financement par l’employeur ; ils/elles auront le droit de souscrire individuellement au contrat dans un délai d’1 an après la cessation d’activité ou pour les retraités-es antérieurs-es, 1 an après l’entrée en vigueur du contrat.
Lors de négociations de mai 2022, il y avait un consensus autour d’une cotisation de 60 € pour les actifs-ives dont 30 € de l’employeur. Pour les retraités-es, le plafond de 175% aboutit à 105 € sans aucune aide de l’employeur (pas d’évolution après 75 ans). L’accord de janvier 2022 prévoit un ensemble de remboursements et de prestations. Ce panier de soins n’est actuellement pas négociable.
L’ordonnance a séparé la santé (remboursements des soins) de la prévoyance (compensations des pertes de revenus en cas de longue maladie). Cette déconnexion santé/ prévoyance pose problème.
Le calendrier
2023 : négociations et constitutions d’instances paritaires de gouvernance.
2024 : désignation de l’opérateur et affiliation des personnels
2025 (au 1-1) : entrée en vigueur du dispositif
Budget : prévu 600 millions = les cotisations employeur
Les enjeux de cette réforme sont très importants pour les personnels :
- un contrat et un opérateur unique (pour 6 ans) va renforcer la logique de concentration économique du secteur aux dépens des petites mutuelles et aux bénéfices des assureurs capitalistes. Les opérateurs ont tous réfléchi à ce nouveau marché qui concerne 3 millions d’adhérents potentiels, dont 1,4 million d’actifs et 800 000 retraités-es. La MGEN ne sera pas choisi automatiquement et son rôle de gestion de la sécurité sociale sera inclus dans les négociations.
- Cet opérateur unique qui gérera un nombre considérable d’assuré-es et une masse importante de subsides, sera en face de la Sécurité Sociale qui pourrait aussi bien gérer cet argent avec des frais de gestion plus faibles, ce qui renforce l’argument pour le 100% sécu soutenu par les organisations syndicales.
- la déconnexion avec la prévoyance peut avoir des conséquences néfastes : les assureurs privés vont s’engouffrer sur ce marché lucratif. Les agents en bonne santé ou qui ont des finances limitées pourraient ne pas payer de cotisations, les autres pourraient avoir à payer des sur-cotisations. Les congés pour longue maladie seraient en cours de redéfinition. Les organisations syndicales contestent l’absence de prévoyance complémentaire (complément de rémunération pour les risques comme incapacité de travail et invalidité).
- La participation de l’état à la PSC est présentée comme une hausse du pouvoir d’achat
- les instances paritaires n’ont qu’un rôle consultatif
Le calendrier est très serré et les organisations syndicales vont tenter d’améliorer les points litigieux comme le panier de soins et le couplage santé/prévoyance. Compte tenu de l’impact de ce projet sur les agents-es, le SNES va faire dès maintenant publier des articles systématiques dans l’US et alerter les S3, S2, S1 pour relayer l’information auprès de tous les personnels. A suivre…
Liliane Benoit-Guyod
Françoise Marpaux