Deux ans après le début de la pandémie, les établissements ne sont toujours pas massivement dotés de capteurs de CO2 dans les salles.
Malgré les exemples étrangers et les préconisations des scientifiques, Jean-Michel Blanquer a refusé d’équiper les EPLE tout en se défaussant sur les collectivités territoriales. Loin d’une origine uniquement budgétaire, cet immobilisme a accompagné et justifié un discours ministériel qui visait à minimiser le risque de contamination par aérosol (particulièrement après le variant delta ) dans les salles de classes tout en évitant un diagnostic général inquiétant sur la qualité de l’air dans les établissements. Cette non politique vise avant tout à casser le thermomètre pour éviter de contenir la fièvre.
Car ces petits boitiers sont riches d’enseignement et permettent de dresser un bilan peu reluisant de la qualité de l’air dans nos salles de classe, et ce, même quand les conditions de ventilation « naturelle » sont optimales. Après l’avoir utilisé quotidiennement pendant 2 semaines au collège d’Orgelet, voici quelles sont mes observations :
Configuration : les salles du bâtiments G du collège d’Orgelet ne disposent pas de ventilation mécanique (VMC) mais peuvent chacune compter sur 3 à 4 grandes double fenêtres qui s’ouvrent en double battant et en oscillo battant et qui donnent sur de verts pâturages de moyenne montagne ( et directement sur une très bruyante départementale). Côté couloir, les deux portes d’entrée du bâtiment permettent de faire un bon courant d’air. Bref, difficile de faire mieux pour ventiler sans VMC.
Recommandations HCSP ou OMS ? Malgré cette configuration, il est impossible de maintenir un taux de CO2 proche de 1200 PPM sans ventiler en continu, c’est à dire en ouvrant 1 battant d’une fenêtre en grand et les deux autres fenêtres en oscillo battant…Tout en maintenant la porte ouverte. Dès que la fenêtre est fermée, le taux augmente régulièrement et dépasse systématiquement le seuil 1200ppm, norme maximum fixée par l’OMS pour les bâtiments accueillants du public. Quant à la norme fixée à 800 PPM par Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) en matière de lutte contre le COVID, il n’est atteint qu’une fois la salle vide et suffisamment aérée. En d’autres termes, le seuil de 800 PPM max fixé par le HCSP est systématiquement dépassé en configuration normale malgré une aération « naturelle » continue. On est loin donc du bon conseil de notre ministre qui déclarait en conférence de presse le jeudi 22 avril dernier d’aérer les salles de classe « toutes les heures » (ICI à 37:32). D’ailleurs, après une heure de français pendant laquelle ma collègue n’avait pas aéré, le capteur s’affolait et montait à plus de 5600 PPM !! Quant à l ’aération tous les 1/4 d’heure, le taux observé dépasse toujours les 1500 PPM a minima.
Ces observations étaient déjà faites en avril par Pascal Morenton dans Libération, enseignant à CentraleSupélec et membre du collectif Projet CO2, ce dernier déclarait : « on s’aperçoit que, dans des salles assez classiques, on arrive à dépasser les seuils recommandés de CO2 au bout de dix, quinze minutes. La consigne devrait plutôt être d’ouvrir la fenêtre quatre ou cinq fois par heure. Si possible, d’aérer en continu. »
L’effet effectif. En suivant les mêmes procédures d’ouverture (porte ouverte, une fenêtre ouverte et 2 en oscillo) les différences de taux observées semblent avoir trois origines :
- La météo : quand il y a plus de vent la ventilation est plus efficace. Simple…Basique.
- Le taux en début d’heure : lorsque le collègue précédent n’a pas ventilé suffisamment, le taux met du temps à descendre et se stabiliser. L’inertie du phénomène m’a beaucoup étonné : il faut un bon 1/4 d’heure pour passer d’un taux de 1600PPM à 1200 env. dans un salle pleine.
- les effectifs : fort logiquement, les taux observés dans des effectifs chargés (+de 27 élèves) sont plus élevés et sont beaucoup plus difficiles à maîtriser : les valeurs se stabilisent (en ventilant en continu) entre 1300 et 1500. Les effectifs plus légers observés cette dernière semaine du fait des nombreuses absences d’élèves (effectifs de 21 env.) permettent d’être plus proche de 1000. On peut donc considérer que dans la majorité des situations, en dehors de toute ventilation mécanique efficace, seule une politique d’accueil en 1/2 jauge aurait permis de respecter les recommandations du seuil de 800PPM fixé par le HCSP.
On saisit donc Bien que ces capteurs sont de véritables cassandres qui contredisent la politique sanitaire de Blanquer, en outre ils auraient montré que de nombreuses salles sont impropres à accueillir du public au regard de la qualité de l’air, et ce en dehors même de toute crise sanitaire. Ces capteurs auraient imposé une politique d’accueil au cas par cas.
Aurélien Bergonzi