L’évaluation des établissements telle que prévue dans la « loi de confiance » se décline en deux phases : l’auto-évaluation et l’évaluation externe.
Que peut donner l’évaluation externe ?
Risques identifiés
Ce nouveau dispositif apporte une nouveauté dont l’impact est considérable : l’introduction d’intervenants extérieurs, sélectionnés par les autorités académiques, dans le processus d’élaboration du projet d’établissement. Ce point n’a rien d’anodin : en effet, le projet d’établissement peut être un outil permettant de limiter la liberté pédagogique des enseignants. De plus, les chefs d’établissement s’appuient souvent sur lui pour identifier les priorités d’utilisation des heures allouées dans la DHG. Le projet d’établissement a donc un poids certain et son adoption doit être un sujet majeur pour l’équipe pédagogique d’un établissement (au contraire du contrat d’objectifs tripartite qui n’a aucun poids et dont l’adoption peut être rejetée par le conseil d’administration, sans conséquence négative et sans hésitation). La volonté de l’administration d’associer des éléments extérieurs à l’établissement dans ce processus relève donc d’une volonté claire de contrôler le contenu des projets d’établissement et d’y imposer des objectifs et des dispositifs académiques, voire nationaux.
L’exemple d’ODACE
Ce fonctionnement n’est en réalité pas nouveau : le principe d’une évaluation des établissements par un groupe extérieur composé d’intervenants sélectionnés parmi différentes catégories de personnels (IPR, personnels de direction, professeurs…) a été mis en place dans des établissements du pays de Montbéliard en 2018. Il s’agissait alors d’un dispositif nommé ODACE.
Le mode opératoire était similaire à celui mis en place dans le cadre de l’évaluation des établissements : des classes tirées au sort, des observateurs qui se prétendent neutres (mais qui n’hésitent pas à formuler des reproches à la fin du cours, selon un témoignage recueilli), des professeurs, des parents et des élèves interrogés, une restitution des conclusions dans une simili-AG.
Cette proximité entre les deux dispositifs permet d’avoir une bonne idée générale des faiblesses de ce fonctionnement :
– Légitimité contestable des intervenants (en quoi le regard d’un chef d’établissement peut-il être pertinent quant au déroulement d’un cours ? En quoi l’avis d’un IPR peut-il être pertinent quand il évoque l’organisation d’un établissement ? En quoi un professeur, sous prétexte qu’il est volontaire pour visiter un autre établissement, devient-il légitime pour juger le fonctionnement de ses collègues ?)
– Le processus d’élaboration des conclusions est très douteux : l’expérience ODACE montre que les conclusions délivrées par les « experts » correspondent aux dispositifs en vogue au moment de l’évaluation (à l’époque d’ODACE, la « coopération entre pairs »).
– Le dispositif est très lourd et, paradoxalement, trop léger : le faible temps d’observation sur le terrain est insuffisant pour prétendre être capable de réellement analyser un établissement alors que le travail d’analyse des réponses aux questionnaires adressés aux parents et aux élèves est titanesque.
Quelles solutions pour désamorcer ce dispositif ?
– Refuser d’y participer en tant qu’évaluateur. S’il est difficile de refuser l’accès à sa salle de classe dans le cadre de ce processus, il est totalement possible de refuser de participer aux groupes d’évaluation des autres établissements et de ne pas nourrir ce système.
– Neutraliser la portée de l’évaluation : si votre cours est choisi pour être le support de l’évaluation, on attend de vous que vous fassiez cours comme vous le faites tous les jours : ainsi, si ce jour-là vous aviez prévu une évaluation, l’esprit du dispositif vous invite à ne surtout pas modifier le fonctionnement prévu. Les évaluateurs auront alors bien du mal à justifier leurs observations et ne pourront rien vous reprocher.
– Refuser de prendre en charge l’analyse des questionnaires distribués aux parents et aux élèves : il s’agit d’un travail administratif, ce n’est ni le travail des représentants des personnels, ni celui des professeurs principaux.
– Contester les conclusions et leur légitimité en conseil pédagogique, si les résultats y sont présentés. Refuser d’inclure les propositions gênantes dans le projet d’établissement lorsqu’une proposition est élaborée en conseil pédagogique ou en AG.
– Laisser au conseil d’administration toute sa place : quelles que soient les propositions et demandes des évaluateurs, les administrateurs ont toute possibilité de les refuser ou de les amender. Il faut donc utiliser cette instance, qui est la seule décisionnaire, afin d’imposer ou de rendre visible la position des professeurs. Même en cas d’échec et d’adoption d’une version contestée par les enseignants, un refus publiquement et unanimement exprimé affaiblira considérablement la légitimité du projet d’établissement, compliquant grandement sa mise en œuvre.