Le 25 février 1967, à l’appel de l’intersyndicale, les ouvriers de l’usine Rhodiaceta de Besançon se mettent en grève et occupent leur usine : une première en France depuis 1936. Une troupe de théâtre vient jouer Antigone ; on parle de Roger Vaillant, de Paul Eluard et... du Vietnam ; on écoute Brassens et bientôt Colette Magny. Les grévistes accueillent les étudiants des facs voisines ; beaucoup d’ouvriers ont presque le même âge et en plus ils habitent les mêmes quartiers ou les mêmes villages.

Un lever de rideau sur Mai 68
Les animateurs de la grève étaient pour nombre d’entre d’eux, membres « d’un étrange groupuscule’’ le CCPPO ; ils écrivent à Chris Marker ; il débarque à Besançon le 9 mars et ce sera la naissance de »À bientôt j’espère« film de Chris Marker et Mario Marret où »les rhodias« jouent leur propre rôle : devant la caméra ; les unes et les autres n’ont rien à envier aux stars de la Nouvelle Vague. Les soutiens »parisiens" affluent : Jean-Luc Godard, le voisin suisse offre une caméra et les grévistes deviennent réalisateurs.

L’aventure de la soie artificielle
L’usine de Besançon était l’un des fleurons du groupe Rhône-Poulenc. Elle avait remplacé en 1954 les Soieries, l’usine où en 1891, H.de Chardonnet, inventeur de la soie artificielle, avait mis en application industrielle son procédé : une première mondiale. La viscose, puis le nylon et le tergal avaient remplacé la soie Chardonnet. L’usine fonctionnait toujours à feu continu.

Le 17 décembre 1977, coup de tonnerre : le trust Rhône-Poulenc annonce qu’il a décidé de fermer l’usine de Besançon. La fermeture d’une usine pour délocaliser la production et mettre au pas cette classe ouvrière qui voulait s’émanciper, ce n’était malheureusement pas une première en France et à Besançon.

La Rhodia n’est pas morte
Cinq années de lutte s’en suivront pour éviter la fermeture mais aussi trouver des solutions de reconversion individuelles et collectives. Laissés à l’abandon pendant 35 ans, les ateliers vont être investis par des graffeurs et devenir une magnifique galerie d’art. Et ... aux portes de l’usine, une salle consacrée aux musiques nouvelles, « la Rodia » -sans H- nommée ainsi en hommage à ceux qui ont mené de « concert » action syndicale et action culturelle.