Dans le Territoire de Belfort, un collectif contre la réforme réunit désormais les représentants des enseignants des trois établissements publics, à savoir les lycées Condorcet, Courbet et Follereau.
Une première réunion publique, le jeudi 10 janvier à la Maison du peuple, a permis de rassembler parents, élèves, élus et enseignants.
Compte-tenu d’une communication ministérielle abondante mais manifestement en décalage avec la réalité, il était indispensable de faire le point sur les nombreuses incertitudes et de débattre collectivement sur les dangers de cette réforme.
La nouvelle organisation, supprimant les séries générales, entraîne une individualisation des parcours et l’éclatement du cadre collectif, garanti par l’État.
Sous la liberté de choix répétés à l’envi par le Ministère, se cache en réalité un système profondément inégalitaire.
L’implantation des enseignements de spécialité, déterminants pour l’orientation dans le supérieur, se fait au détriment des petits établissements, des lycées ruraux ou des lycées moins favorisés socialement. Par exemple, le lycée Follereau ne proposera que cinq spécialités sur les sept généralistes. D’une façon globale, aucun lycée sur le Territoire de Belfort ne pourra assurer autant de parcours qu’à Montbéliard et Besançon.
Les élèves seraient donc contraints de changer d’établissement voire de département : il faudra ainsi être scolarisé au lycée Condorcet pour suivre la spécialité Anglais, ou s’inscrire à Besançon pour suivre la spécialité Espagnol. Face à cette mobilité forcée, le Recteur propose l’alternative de la visioconférence ou l’enseignement à distance par le CNED...
De plus, la carte des formations n’est que théorique. Certaines spécialités proposées par un lycée seront en réalité enseignées ailleurs, donc mutualisées entre établissements. Les familles s’inquiètent notamment de voir les élèves naviguer entre les locaux, et du risque, avec les contraintes supplémentaires d’emploi du temps, de souffrir de journées toujours plus longues et chargées. Qui prendra en charge les transports ? Les élèves renonceront-ils à leurs choix pour privilégier une certaine stabilité ?
Même dans l’offre implantée dans les lycées, il est à craindre que les conditions d’ouverture, à travers un seuil minimum d’élèves inscrits, conduisent à la fermeture de spécialités, réduisant d’autant les possibilités de formation.
Par ailleurs, le contrôle continu, dans la version présentée par le Ministère, risque de remettre en cause la valeur nationale du baccalauréat : 40% des notes viendront en effet d’évaluations passées en cours de formation, choisies et corrigées par les enseignants du lycée. Un diplôme à dimension locale, qui indubitablement sera marqué du sceau de la réputation d’un établissement : préférez-vous un « bac Courbet », un « bac Follereau » ou un « bac Condorcet » ? La hiérarchie induite serait sans commune mesure avec les baccalauréats ES, S et L.
Dernier point évoqué : les conditions d’élaboration et le calendrier. Outre le télescopage de l’ancien et du nouveau système subi de plein fouet par les élèves actuellement en Seconde, les familles et les enseignants naviguent à vue. Les programmes ne sont pas publiés, les modalités d’examen ne sont toujours pas connues, et les attendus de Parcoursup sont pour la plupart opaques et contradictoires sur les choix de spécialités.
La réforme, par ses mécanismes, tend à cristalliser et à renforcer les inégalités entre territoires, entre lycées, et entre élèves.
Cette situation apparaît d’autant plus inacceptable que les enseignants, par la voix du SNES-FSU, alertent depuis un an sur ces dangers et pointent l’autoritarisme du Ministère, qui continue d’avancer sans écouter.
Il est ainsi urgent d’arrêter cette machine infernale, et d’engager un réel débat sur l’avenir de notre Ecole et du lycée.
Le SNES 90, dans la lignée de ses revendications portées depuis plusieurs mois, salue cette étape dans la mobilisation, et travaillera à une convergence des luttes, la situation préoccupante du Territoire n’étant malheureusement pas une exception...
N’acceptons pas que les jeunes constituent une génération crash-test pour une politique décidée dans des bureaux parisiens.