Ce jeudi 10 janvier, le recteur d’académie a fait l’honneur de sa visite au lycée Aragon d’Héricourt. Cette rencontre avec les enseignants, les élèves, leurs parents et les élus a tourné à la farce. Non seulement le ton est largement monté entre l’assemblée et son interlocuteur du jour, faisant perdre son sang-froid à ce dernier qui n’a pas hésité à interpeller violemment enseignants et parents, les accusant de malhonnêteté, d’être des populistes irresponsables, car ils osaient, les cuistres, demander le maintien des enseignements existants (soit une spécialité littéraire supplémentaire).
En effet, le recteur s’est trouvé largement en difficulté face aux diverses questions qui cherchaient soit à démontrer la mauvaise foi de son argumentaire, soit à éclairer des points techniques, pour lesquels l’intéressé n’a visiblement pas les réponses, abandonné semble-t-il en pleine mer par son ministre.
Quelques éléments transparaissent cependant à travers la langue de bois : le lycée demandait le retour de la spécialité « Humanités, littérature et philosophie » (la littérature ayant fait partie de l’offre du lycée depuis sa naissance). Il leur sera proposé un hypothétique partenariat avec, excusez du peu, Lure, Luxeuil et Gray, pour mettre en place des MOOC et offrir aux élèves, à moyens réduits il va de soi, un choix qui n’est qu’un leurre. L’argument du recteur est de poids : cela fonctionnait à merveille avec les élèves de Science Po ! On appréciera le retour d’expérience.
Lorsque l’on souligne le risque de variations fortes des choix des élèves d’une année sur l’autre, et que l’on demande quelles seront les garanties pour les postes : pas d’inquiétude, les élèves passent avant tout (c’est louable) et on s’adaptera (entendez par là les profs, pas le recteur).
Si les élèves demandent des précisions sur le rattrapage qui devrait disparaître, il se demande qui ose mettre ces fakes news dans leur esprit pour leur faire peur ! Mais, ô surprise, une grande partie des épreuves devenant contrôle continu, il n’y aura plus besoin de rattrapage. Celui-ci n’est donc pas supprimé, mais disparait car « inutile ». L’élève qui échoue ne repassera donc que les épreuves où il aura eu en-dessous de 10, et repassera son bac « par alternance » (sic) l’année suivante ! On saura louer les économies : plus de rattrapage, plus de redoublement…
Pour le reste, les élèves pourront-ils changer d’établissement pour suivre leurs choix ? Mais comme aujourd’hui ! Donc oui pour la marge la plus favorisée, non pour les autres. Les programmes de terminale arriveront ils bientôt, ainsi que les attentes du bac ? Que d’impatience ! Pas cette année ! Tout le monde sait en plus que les profs travaillent au dernier moment (moi je télécharge un MOOC la veille du cours par exemple). Les heures de première chaire seront-elles incluses dans le volant de 8 heures par classe, avec les options, les dédoublements, les classes européennes, l’AP et autres ? Visiblement la question de ce contenu n’a pas effleuré notre cher recteur.
Enfin, face à toutes ces joyeuses perspectives, où les zones d’ombre de la réforme ne se dévoilent que pour offrir des fruits amers, nous garderons les mots du recteur dans nos esprits étriqués : « ne vous inquiétez pas » et quittez « vos spirales négatives ». Et comme la réforme « ne sera pas pire que l’existant », nous attendons, tels sœur Anne, venir les jours meilleurs.
16 janvier 2019