Le 21 mars 2019, plus de 30 professeurs de langues vivantes se sont réunis pour discuter pendant une journée de la situation des LV et des menaces qui pèsent sur leur enseignement dans le contexte des reformes précédentes et actuelles. Le stage était animé par Georges Thaï, responsable LV pour le SNES au niveau national.
Le stage a commencé par un résumé de la situation alarmante des LV dans l’académie :
Suppression annoncée de 17 postes (!) de LV dans notre académie cette année : 12 en anglais, 3 en allemand, 2 en espagnol. Ce chiffre peut encore augmenter, car on ne connaît pas encore le nombre des ouvertures réelles de la spécialité LLCE en lycée. À cela se rajouteront de nouveaux compléments de service qui vont détériorer la situation de nombreux collègues.
Collège : après la suppression de nombreuses sections bilangues allemand-anglais suite à la réforme du collège, certaines ont pu réouvrir. Néanmoins, 21 sections bilangues ont été supprimées définitivement dans notre académie. Là où elles existent encore (ou de nouveau), leur situation est souvent précaire et très inégale d’un établissement à l’autre : l’allemand dispose souvent de moins d’heure que l’anglais et souffre de regroupements ingérables : LVA/LVB ou 6°/5°, etc. À cela se rajoute la constante menace de la non-ouverture d’une section pour l’année suivante. De plus, en déplore pour toutes les LVB le manque d’heures : une exposition de 2h30 par semaine à une langue est insuffisante pour l’apprendre sérieusement, surtout s’il s’agit d’élèves débutants.
Lycée : si la spécialité LLCE anglais ouvrira probablement dans tous les établissements, l’ouverture de LLCE allemand dans les 2 lycées (Ledoux à Besançon et Belin à Vesoul) est moins sûre : il n’est pas certain que cette spécialité mutualisée réunisse les inscriptions suffisantes à son ouverture sachant que certains élèves seraient amenés à changer d’établissement. Pour la spé anglais c’est souvent le problème inverse qui se profile : des groupes de spé à 35 ou plus. Difficile de s’imaginer faire cours et mettre l’accent sur l’oral avec des groupes si importants.
Une grande inquiétude persiste aussi à propos des LVC : on peut se demander si des élèves choisiront encore une option qui leur prendra 3h par semaine sans la moindre récompense pour leur note de bac et si les chefs d’établissements continueront à y consacrer des heures prises sur leur « marge » beaucoup trop étroite.
Ensuite, le contexte politique des réformes du collège et du lycée a été évoqué. Les dépenses dans l’éducation nationale se font au détriment des élèves et des personnels, la baisse de niveau consécutive à chaque réforme est flagrante. C’est le résultat d’une volonté politique qui assume sans gêne la baisse de la qualité de service (1). Un enseignement qui a comme but de développer l’esprit critique de tous les élèves et de les accompagner le plus loin possible dans leurs études est, d’après les « experts » de l’OCDE une perte de temps et d’argent (2). Les seules exigences d’un « socle commun » qui laisse les savoirs de côté au profit des « compétences », dévoile la volonté politique de réduire la plupart des élèves et des futurs citoyens en main-d’œuvre obéissante et bon marché.
L’après-midi a été en grande partie consacrée à la réforme du lycée. Avec le problème des pertes de postes et des classes surchargées, les nouveaux programmes ont été également discuté. Le fait de devoir traiter 6 axes (au lieu de 4 notions actuellement) engendre une grande inquiétude chez les collègues : comment traiter plus de sujets à horaire égal (ou même plus court) dans des groupes surchargés ? Autre question abordée : la certification. Beaucoup de collègues s’opposent à cet examen organisé par des organismes privés et qui n’a pas de valeur réelle pour les élèves. En effet, ces certifications ne sont valables que 2 ou 3 ans et ne rentrent pas dans le dispositif de « parcoursup ». Une autre inquiétude a été relevée à propos des classes Euro : compte tenu de la question de leur financement, leur ouverture reste souvent en suspens.
Cette journée riche d’informations et de débats s’est terminée par des discussions autour des actions à mener pour faire entendre les inquiétudes justifiées des professeurs de LV à propos de l’enseignement de leurs disciplines.
1 « Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement ... [Cahier 13 de l’OCDE, 1996]
2« Tous n’embrasseront pas une carrière dans le dynamique secteur de la “nouvelle économie” – en fait, la plupart ne le feront pas – de sorte que les programmes scolaires ne peuvent être conçus comme si tous devaient aller loin. »[OCDE 2001] « La part des emplois « peu qualifiés » ou requérant une qualification d’ordre « comportemental » ou « relationnel » demeurera considérable dans l’avenir : certains domaines d’activité (vente, services à la personne, etc.) devraient donner lieu à une création d’emplois importante ... » [Rapport Thelot 2004]