Si l’invisible ministre de l’éducation nationale semble très satisfait du déroulement des épreuves de spécialité qui ont eu lieu pour la première fois du 20 au 22 mars, le bilan que peuvent en tirer professeurs et élèves est cependant beaucoup plus critique.
Chacun, hormis le ministère de l’éducation nationale, les corps d’inspection et les rectorats, a pu se rendre compte que bien préparer des élèves à des épreuves qui se déroulent aussi tôt dans l’année était absurde si ce n’est impossible, tant les programmes lourds et conséquents ont dû être dispensés et assimilés au pas de charge, les finissant à temps relevant de la gageure. Des épreuves au milieu du mois de mars, ce sont aussi plus de deux mois en moins pour entraîner les élèves à des épreuves exigeantes, maîtriser un programme conséquent, remédier aux difficultés des élèves. Et ce ne sont pas les aménagements à la marge, voire inexistants dans de nombreuses spécialités, qui ont permis de terminer dans de bonnes conditions les programmes, ni le temps de révision (deux demi-journées à peine) qui a été généreusement accordé aux candidats par un ministre qu’on n’avait guère entendu jusque-là, qui a permis aux élèves de passer les épreuves en toute sérénité.
Le bilan que l’on peut tirer des passages des épreuves n’est guère plus brillant : l’inégalité entre les candidats, composant sur des sujets différents et de difficultés inégales, alors qu’ils passent la même épreuve, a été particulièrement criant dans plusieurs disciplines. Et que dire des candidats de la filière STMG qui ont dû, après avoir composé une heure, recommencer l’épreuve pour finir leur écrit vers plus de 19 heures, sans compter celles et ceux qui disposaient d’un tiers-temps ?
Quant aux correcteurs, ils n’ont pas été mieux traités, la DEC et les corps d’inspection ne semblant pas pouvoir leur assurer des conditions de correction correctes. Comment comprendre en effet que les délais de correction étaient très divers entre les disciplines, certains corps d’inspection exigeant la fin des corrections qui le 03 avril, qui le 05 avril, alors même que le BO du 22 septembre 2022 et reconduit pour la session 2023 permettait à chaque correcteur de positionner ces quatre demi-journées entre le 24 mars et le 07 avril ? L’inspection de lettres a même envoyé un courriel aux professeurs de HLP pour que les écrits soient corrigés le jeudi 30 mars au soir, la réunion d’harmonisation étant prévue le lendemain ! Comment comprendre que les délais de correction soient si insuffisants, et si variables selon les spécialités, d’autant plus que le nombre de copies était déséquilibré entre les correcteurs ? Comment comprendre qu’un professeur puisse convenablement assurer cette mission de correction, alors qu’il doit dans le même temps continuer à assumer ses cours ?
Il est vrai que l’institution présente les copies numérisées comme un gain de temps et d’efficacité, et la solution à tous les problèmes rencontrés. Nul doute que cette collègue de HLP qui a dû corriger deux lots car les copies qu’elle avaient déjà corrigées avaient subitement changé, ou cette correctrice en STMG dont on a contesté l’évaluation et les notes, ou bien cet autre professeur dont on s’inquiétait qu’il n’ait pas encore reporté les notes ni corrigé toutes ses copies alors que la clôture n’était pas encore effective, ou encore ce correcteur dont les notes ont été modifiées en commission à son insu, seront d’accord : le numérique est un formidable outil pour contrôler le travail des correcteurs, voire le désavouer.
Le 12 avril, les élèves ont pu constater les résultats de cette expérimentation grandeur nature... À peine leurs copies consultées, les notes étaient déjà remontées dans la machine infernale Parcoursup. Et tant pis pour les éventuels recours ! A moins d’une « erreur matérielle », le rectorat repousse toute contestation à la publication du relevé complet, début juillet. Entre temps, les élèves auront été sélectionnés dans leurs choix d’orientation sur la base des notes mises en mars...
Quant à la fin de l’année elle semble elle aussi être compromise par un calendrier absurde. Si des professeurs notaient déjà après les épreuves de mars une absence chez certains élèves de Terminale, voire une certaine démotivation, qu’en sera-t-il pour ce troisième trimestre ? Leur envie de réussir le Grand Oral et leur épreuve de philosophie sera-t-elle suffisante, s’ils sont déjà assurés d’avoir leur baccalauréat ? Les classes de seconde et de première retrouveront-elles le rythme, après de nombreuses heures de perdues ?
Autant de questions de terrain, qui paraissent ne pas atteindre les bureaux de la rue de Grenelle !
Stéphane Grégoire