Dans le cadre du projet de réforme de la fonction publique, Gérald Darmanin et Olivier Dussopt envisagent de rétrécir comme une peau de chagrin le dialogue social en supprimant certaines instances, en particulier les commissions administratives paritaires (CAP). Actuellement, celles-ci sont réunies plusieurs fois par an en présence des représentants élus des personnels pour donner un avis sur les différentes opérations de carrière des fonctionnaires : changements d’échelon ou de grade, mobilité, congés de formation professionnelle… Cette instance consultative a donc des attributions importantes car elle permet une gestion en toute transparence et dans une totale équité : par exemple dans le cadre de la mobilité des fonctionnaires, la présence syndicale garantit l’application d’un barème pour départager deux agents qui candidatent sur un même poste. Sans ce travail des représentants syndicaux, l’administration gérerait l’ensemble de ces opérations sans aucune garantie sur d’éventuels passe-droits. Et donc, à compter du 1er janvier 2020 exit les commissions paritaires. In memoriam !
Si on supprime ce rôle, comme c’est le cas dans le projet de réforme, les syndicats perdront une grande partie de leurs adhérents et en conséquence leur représentativité et leurs moyens financiers. On ne s’y prendrait pas mieux si on voulait abattre les syndicats ou a minima ramener le taux de syndicalisation de la fonction publique (19,1 %), et plus particulièrement celui de l’éducation nationale (24 %), à celui du privé (8,4 %). Pour atteindre cet objectif, ce gouvernement projette des mesures sans précédent depuis 1946.
La chose devient particulièrement problématique si l’on met cela en cohérence avec le projet de loi Blanquer « pour l’école de la confiance » qui, dans son article 1, impose aux fonctionnaires de l’E.N. le concept inédit « d’exemplarité », c’est-à-dire l’impossibilité pour tout agent de critiquer les décisions ministérielles. C’est non seulement l’existence même des syndicats de la fonction publique qui est remise en cause, mais la liberté d’opinion de l’ensemble des enseignants.
La volonté d’une mise au pas transparaît dans plusieurs articles de cette loi : les directeurs des ESPE rénovés, les futurs membres de l’organisme d’évaluation de l’École seront nommés directement par le ministre ; les profs des écoles se verront dirigés par un adjoint au chef d’établissement, nouvelle hiérarchie intermédiaire qui complétera utilement les DRH de proximités, faits pour nous pousser vers la porte le cas échéant. La hiérarchie de l’Éducation nationale commence d’ailleurs à appliquer cet article avant même qu’il ne soit voté : Dans les académies de Dijon, Créteil, Nice, plusieurs collègues ont déjà reçu des sanctions disciplinaires pour avoir critiqué les réformes.
Un programme à faire pâlir de jalousie Marine Le Pen... La question de ce qu’on entend par "démocratie" se pose désormais, et le critère d’élections dites libres n’est pas suffisant. La question du respect des droits de l’homme se fait de plus en plus pressante en France. Non seulement les organisations syndicales sont étouffées mais toute contestation est violemment réprimée par la police et la justice, dans un ballet médiatique savamment organisé présentant les agresseurs comme des agressés et les agressés comme des hordes incultes et dangereuses. Un renversement sémantique digne des périodes les plus sombres de notre histoire...
Plus que jamais, solidarité et pugnacité seront de mise.