« LaDettePubliqueC’estMal. » Depuis plus de trente ans, c’est la formule magique, le leitmotiv
injonctif que la pensée libérale assène à nos esprits, forcément naïfs et mal informés, afin de nous
convaincre d’accepter l’inacceptable, de consentir à une sévère cure d’austérité qui n’a pourtant
pour but que de complaire aux marchés financiers et aux apôtres effrénés d’une privatisation des
services publics. « LaDettePubliqueC’estMal. » Après avoir brillamment raconté le procès France
Telecom dans Personne ne sort les fusils, Sandra Lucbert s’attaque à la novlangue libérale dans son
formidable essai paru en septembre 2021, Le ministère des contes publics. S’appuyant, entre autres,
sur les œuvres de Montaigne, Lewis Caroll ou Flaubert, elle démonte la langue mécanique,
mensongère et illusoire des tenants d’une économie libérale, en lui opposant la parole démystifiante
de la littérature. Dans une comparaison intelligente et très convaincante avec la situation de l’État
français qui est pressé sans cesse de réduire fortement et vite sa dette pour aller mieux, elle
convoque ainsi la figure du boiteux Hippolyte : pour s’être finalement laissé imposer une opération
inutile, afin de corriger une légère claudication, ce personnage du roman Madame Bovary finira
amputé, victime de l’urgence d’un discours de l’aveuglement et de la supercherie, bête et
faussement scientifique. « LaDettePubliqueC’estMal. » En 144 pages formidables d’intelligence
littéraire et de démonstration éclairante sur la vacuité et l’absurdité de la parole libérale, Sandra
Lucbert, sur un ton caustique, met en lumière les ressorts employés pour justifier la baisse des
investissements publics. « LaDettePubliqueC’estMal. » En ces temps de rigueur budgétaire que le
gouvernement barnier s’emploie à nous imposer comme une évidence et une nécessité, l’essai de
Sandra Lucbert est à lire absolument. Une « participation à l’effort de réveil » indispensable.

Le Ministère des contes publics, Sandra Lucbert, 2021 (édition Verdier, 7 €).