Le nouveau dispositif de formation des AED, construit discrètement et dans la précipitation, a été annoncé en ce début d’année scolaire à tous les CPE. La formation s’effectuera désormais pendant les vacances d’automne au mépris de la professionnalité des personnels de vie scolaire. Dans le contexte de tension que connait l’éducation nationale, les CPE, auraient, au contraire, souhaité aide et soutien. Ce type de management a cependant le mérite de réunir l’opposition de l’ensemble des organisations représentatives dont voici le courrier adressé à Madame la Rectrice.
Christian LAINE
Snes – secteur CPE
Madame la Rectrice,
Nous souhaitons attirer votre attention sur votre décision récente concernant l’obligation de la formation des AED pendant les vacances de la Toussaint et 3 mercredis après-midi. La plupart des CPE, qui en ont été informés fort tardivement et sans concertation, nous ont fait part de leur forte incompréhension, voire hostilité à ce projet. Ce dernier soulève aussi de nombreuses questions sur les modalités et les finalités de cette formation que nous voulons vous relayer.
1. Un manque de concertation professionnel et de dialogue social. Tout d’abord, nous déplorons l’absence totale de concertation préalable à cette décision, alors que cela devrait être le cas dans toute décision ayant un impact sur les conditions de travail des personnels. Qui a été associé à cette réflexion ? Aucune négociation, aucune discussion n’a été engagée avec les représentants des personnels, ni avec les collègues qui s’occupaient habituellement de la formation des AED. Les visios et les réunions de bassin d’information ont été uniquement descendantes, comme si tout avait été pensé ailleurs et imposé. Les collègues qui ont assisté à ces moments se sont dits « sonnés », « infantilisés », en brefs choqués du discours institutionnel. Quel est le cadre dans lequel les CPE sont-ils sensés intervenir dans ces formations ?
2. Des pratiques établies et une organisation interne perturbée. Traditionnellement, la 39e semaine est utilisée de manière flexible pour des dépassements dus aux remplacements entre collègues AED et des récupérations d’heures supplémentaires, induite par le fait que les heures de remplacement ne suffisent pas à compenser les heures de remplacement. Cette souplesse permet une gestion fluide des emplois du temps des AED, une récupération d’heures qui ne peut sinon jamais se faire sans dégrader le service. Elle nous sert aussi à combler la dotation toujours plus revue à la baisse malgré les besoins de plus en plus pressants. Il nous semble par ailleurs, que l’autonomie des établissements doit prévaloir en matière d’organisation des services, et qu’il n’appartient pas à l’inspection d’imposer des contraintes supplémentaires aux équipes de direction. Une démobilisation certaine est à craindre, puisqu’il n’y aura plus de souplesse. Par ailleurs, la 39e semaine étant non fractionnable, elle sera donc intégralement prise sur la semaine de la Toussaint, ne permettant plus les organisations habituelles de répartition des permanences ou d’étalement d’ouverture pour le traitement des inscriptions par exemple.
3. Une surcharge de travail inacceptable et un risque accru de risques psychosociaux. Les personnels AED et CPE sont déjà soumis à une forte charge de travail, qui inclut des missions multiples, souvent au-delà du cadre réglementaire, et des réunions en dehors des heures habituelles. Cette formation imposée, en plus de la charge de travail existante, accentuera les risques psychosociaux (RPS). C’est aussi sur cette semaine, bien souvent, que la récupération d’une partie des nombreuses heures de dépassement des CPE se font : priver les personnels de cette compensation aggravera encore leur charge de travail. Ces personnels sont pointés dans toutes les études comme particulièrement exposés aux risques psychosociaux. On ne peut pas compter uniquement sur la bonne volonté des personnels de vie scolaire. Cette 39e semaine sert aussi de prétexte à l’administration pour ne pas payer les CPE lorsqu’ils ont des formations en dehors du temps de présence élèves (mercredis après midis ou vacances) alors que les enseignants, eux, sont rémunérés lorsqu’ils sont en formation sur ces temps-là… Cette 39e semaine ne peut plus servir d’excuse à tout, il faudra donc payer les CPE aussi ! Dans le contexte actuel de diminutions drastiques des IMP, qui permettaient de reconnaître certaines missions, c’est une attaque salariale insupportable au regard de l’engagement sans faille des CPE dans le service public d’éducation. Nos missions ne cessent d’augmenter, contrairement à notre salaire : halte-là !
4. Le CPE ne peut pas éthiquement s’improviser formateur des AED. Déja, parce que la formation des adultes ne s’improvise pas. Elle nécessite du temps de préparation, de réflexion, de planification et d’évaluation. Former les personnels AED sans offrir les moyens nécessaires de préparation est complètement contre-productif. Quand pourrons-nous être formés ? Où est la banque de données promise ? Sur quel budget les « personnes ressources » promises (PsyEN, AS, Infirmières,…) vont-elles être dédommagées ? Comment faire sereinement de l’analyse de la pratique AED sous les yeux de son supérieur hiérarchique direct ? La formation nécessite un regard extérieur, ce qu’offraient les formations antérieures. Le mélange des publics à besoins très différents (adaptation à l’emploi des nouveaux, AED CDIsés avec beaucoup d’expérience), nous paraît particulièrement inopérant. Les CPE sont animateurs de leurs vies scolaires, pas formateurs.
5. Des contraintes logistiques et financières supplémentaires pour les personnels. Imposer cette formation durant les vacances et les mercredi après-midi pose également des problèmes logistiques. Les AED devront se déplacer, occasionnant des frais supplémentaires qu’ils devront avancer, ou que les établissements prendront en charge (prêt de la voiture de fonction quand elle existe) ce qui fera reposer une charge financière sur les établissements, qui ont bien du mal à boucler leurs budgets. Ces charges viennent s’ajouter à une rémunération déjà insuffisante pour les AED, et posent de véritables difficultés pour les personnels concernés. Il n’est pas question que nous laissions partir nos AED sans des garanties solides de remboursement dans la semaine qui suit leur déplacement. Rappelons qu’en collège, aucune voiture de fonction n’existe, et que nous avons de jeunes AED qui n’ont pas le permis, et seront contraints par les transports en commun. Pour les AED et les CPE ce sont aussi des frais de garde d’enfants à prévoir. Alors que les caisses sont vides pour le déplacement de tous nos collègues PsyEN, Assistants sociaux,… nous voyons mal comment les déplacements occasionnés par la préparation et l’organisation de ces formations pourront réellement être honorés. Enfin, pour tous nos AED étudiants, impossible de concilier études et formation sur ces créneaux, de même pour les AED qui ont un second métier pour compléter leurs revenus.
C’est pourquoi nous vous demandons :
• de renoncer à des formations hors temps de travail,
• de rester sur le principe de volontariat et de dédommagement des CPE pour l’organisation de la formation des AED,
• de prévoir la récupération intégrale des heures effectuées en dehors des horaires habituels de travail de tous les AED et CPE ou contrepartie financière à hauteur des heures effectuées,
• des garanties solides sur le remboursement des frais engendrés par cette formation,
• de respecter l’autonomie des établissements.
Nous vous exhortons à revoir cette décision qui, à défaut de concertation et de prise en compte des réalités de terrain, ne pourra qu’entraîner incompréhension, démobilisation et tensions inutiles au sein de nos établissements.
Dans l’attente d’une réponse favorable à nos préoccupations, nous vous prions de croire, Madame la Rectrice, en l’expression de nos salutations respectueuses.