Un rapport récent du Sénat(1) vient confirmer un phénomène qui s’amplifie depuis quelques années : le nombre global de démissions est en hausse dans le corps des enseignants. En 4 ans il a doublé et cette tendance n’est pas prête de s’arrêter. Il touche aussi bien les stagiaires que les enseignants titulaires et met en évidence que la lassitude gagne dangereusement du terrain.
L’Éducation nationale reste sourde face aux témoignages des stagiaires qui soulignent le caractère éprouvant de leur formation : la fatigue et la surcharge de travail qu’imposent les préparations de cours, le master et les formations à l’ESPE étant les situations le plus souvent dénoncées, ainsi que le manque de soutien de la hiérarchie. Pourtant, ces signes d’alerte lancés par les futurs entrants dans le métier ne sont pas pris au sérieux !
Ainsi, l’année dernière, dans notre académie, deux stagiaires on été contraints à la démission en fin d’année, alors qu’ils avaient demandé une année de disponibilité qui leur a été refusée. L’un d’entre eux avait vu son stage validé mais souhaitait faire une pause après une année : il n’a jamais été reçu au Rectorat pour discuter de son cas. Le mépris de l’administration l’a incité à démissionner mais le Rectorat a préféré interpréter cette démission comme une décision de « ne pas bénéficier de sa réussite au concours »….
On constate également que de nombreux postes aux concours restent vacants car notre métier n’est plus attractif et même si les débuts de carrière ont été revalorisés, les salaires affichés ne sont pas à la hauteur de ce qui est réellement demandé aux enseignants.
Et que dire du sentiment de mal être qui grandit chez les titulaires ? Une récente étude ministérielle(2) montre que les enseignants sont la catégorie de cadres qui souffre le plus des risques psychosociaux. Face à la hausse des effectifs, au passage en force des réformes qui ne font l’objet d’aucune concertation réelle et de réflexion avant leur application, à des décisions ministérielles qui pèsent lourd dans l’organisation des établissements (la suppression du redoublement en est une), les enseignants titulaires assistent à une dégradation des conditions d’exercice leur métier. Le sentiment grandissant de perte de sens du métier, la lassitude et l’impuissance devant l’empilement demandé des tâches gagnent nos professions. Déstabilisés par les injonctions ministérielles éloignées des réalités du terrain, lassés d’entendre des politiques leur dicter une feuille de route, fatigués de voir le métier dénaturé, certains rendent leur tablier.
Si une réflexion sérieuse n’est pas menée, si des mesures, à la hauteur des difficultés constatées, ne sont pas prises, cette vague de démissions ne va cesser de croître. Le SNES demande des mesures d’accompagnement et de soutien pour les collègues stagiaires, renforcées en particulier pour celles et ceux qui se trouvent en difficulté (visites-conseils de personnels non évaluateurs, dédoublement de classe, allégement de service, etc.). La durée du stage en établissement doit être portée au tiers du temps de service comme c’était le cas il y a dix ans. Il faudrait également, en lieu et place de la réforme « poudre aux yeux » du collège, établir les véritables conditions pour améliorer le travail des enseignants : réductions d’effectifs, dédoublements de classe, donc des créations de postes ainsi que des salaires qui correspondent réellement à nos responsabilités et à notre charge de travail, bref, des conditions qui puissent attirer de nouvelles cohortes pérennes dans l’Éducation nationale.
(1) Rapport Carle sur l’enseignement scolaire au Sénat :
(2) Enquête de la DEPP(Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance)
23 janvier 2017